L’approche systémique en thérapie familiale


Cet article constitue une présentation synthétique de  l’approche systémique en thérapie familiale.


Les débuts de la thérapie familiale systémique

La thérapie familiale naît aux E.U.A. à la fin des années 40 sous l’effet de diverses influences :

le Child Guidance Mouvement : ce mouvement traite de façon isolée la mère et son enfant, considérant le milieu familial comme pathogène (apparaissent des termes comme « surprotection maternelle » ou « mères schizophrénigènes »).

Les travaux de certains anthropologues fonctionnalistes (Malinowski, Bateson) qui défendent que les pratiques culturelles remplissent une fonction précise par rapport au corps social.

La théorie générale des systèmes qui relie la fonction au contexte. L. von Bertalanffy décrit les rétroactions négatives comme des processus qui visent à ramener à la norme un élément d’un système donné. Par analogie, la famille est considérée comme un système en état d’équilibre et les symptômes comme des rétroactions négatives.

Les travaux de N.Wiener sur la cybernétique : on passe d’une vision linéaire à une vision circulaire des problèmes. Les systèmes « stables » ne maintiennent leur stabilité que par l’exercice interne de certaines rétroactions spécifiques.

Ainsi, influencées par la théorie des systèmes et par la théorie de la communication, plusieurs écoles de thérapie familiale vont voir le jour aux E.U.A. (l’école structuraliste (Minuchin, Ackerman), stratégique (Haley), contextuelle (Don Jackson), les thérapies brèves (Bateson), Palo Alto…) puis en Europe (École de Milan (Selvini), de Rome (Andolfi)…).

Fondements théoriques

L’approche systémique est fondée sur l’observation de la communication manifeste sur le plan digital (verbal) et analogique (non-verbal). Elle privilégie l’étude des conduites interactives. Son but est de déceler et dénoncer les modes de communication pathogènes et rétablir une communication claire entre les partenaires familiaux. Elle se veut centrée sur la réalité communicationnelle et comportementale de la famille.

À la suite des travaux de Bateson sur la communication, notament sur le phénomène du double lien, on prendra en considération le groupe familial dans son ensemble, en étudiant le « jeu pathologique » d’interactions au coeur de la famille, en appréhendant le système familial selon la « Théorie générale des systèmes » de L.von Bertalanffy. Appliquée à la thérapie familiale, la conception systémique peut se formuler de la façon suivante: tout individu humain fait partie d’un système, c’est-à-dire d’un ensemble d’éléments en interaction, d’un ensemble organisé, le système humain le plus prégnant de notre civilisation étant la famille.

« La théorie des systèmes considère la famille comme une unité vivante. Cette unité, cette ensemble, comme tout individu, a un passé, un présent et un futur: elle a aussi des règles particulières et relativement stables de fonctionnement. Ces caractéristiques ne sont pas décidées par une personne du système, mais par la dynamique de l’interaction de tous les membres du système » (P.Caille, 1978). Dans cette optique, la maladie mentale ou psychosomatique est considérée comme « une conséquence naturelle du dysfonctionnement interactionnel de la famille » (P.Caille)

Quelques notions en thérapie familiale systémique

Une des particularités de l’approche systémique est le renoncement à l’épistémologie du vrai. La pratique est centrée sur ce qui est opératoire et la plupart des thérapeutes familiaux considèrent que leurs réussites cliniques n’impliquent pas que leurs hypothèses se sont avérées vraies : elles dénotent seulement à leurs yeux que les co-constructions qu’ils ont effectué avec leurs patients ont crée des agencements aux heureuses conséquences.

Le concept fondamental de toute thérapie familiale systémique est celui de système vivant. Celui-ci implique un principe de totalité (non décomposable en parties) et de non-sommativité (le tout n’est pas égal à la somme des parties). Les familles, considérées comme des systèmes, ont des limites et contrôlent tant le matériel que l’information qui passe à travers celles-ci. Elles sont organisées hiérarchiquement, à la fois en tant que parties d’un système plus vastes et au regard des sous-systèmes (fratrie, génération…). Ces systèmes sont capables d’auto-régulation et cherchent à maintenir leur équilibre. Ainsi, on considère le symptôme comme un régulateur homéostasique.

La résonance est une constellation relationnelle réactivée par la rencontre avec la famille. On appellera « feedback » les rétroactions qui renforcent un certain nombre d’interactions. Ces « feedbacks » vont soit dans le sens de la stabilité, soit dans le sens du changement, la stabilité pouvant conduire à une rigidification du système et le changement à la cure.

La famille en thérapie familiale systémique

La famille en tant que système se trouve face à deux exigences : rester ensemble (soit un souci de cohésion), mais en même temps permettre la différenciation des individus. Pour maintenir son équilibre, elle utilise des rituels (agirs répétés, règles familiales…) et se fonde sur un mythe familial, une histoire unificatrice qui explique et justifie les rituels. La famille construit ainsi un ensemble de croyances organisées et partagées par tous les membres, qui colore les relations et l’image que chacun a du groupe familial. Le mythe est fondateur et il prescrit une manière d’être et d’agir dans la famille, il vient renforcer le système et ses règles.

Du fait des exigences contradictoires du groupe familial, la demande est toujours double : il y a une demande de changement tout en voulant rester identique (non-changement). Ainsi, le but de la thérapie sera de rassurer la famille sur son unité (renforcer le processus de non-changement) tout en amorçant le processus de changement.

En thérapie familiale systémique, par opposition à la psychanalyse (où le thérapeute se positionne comme possédant un savoir, neutre et distant), le thérapeute est conçu comme ignorant (« ne sait pas », ne détient pas la vérité absolue), engagé et proche. De même, le comportement du patient désigné est conçu comme volontaire, logique et utile (en opposition à involontaire, absurde et inutile).

Ainsi, la naissance de la thérapie familliale systémique a donné jour à un paradigme nouveau qui a séduit bon nombre de cliniciens et est aujourd’hui très utilisée dans la prise en charge des familles en difficulté.


Duarte Rolo

Références:

Mony Elkaïm & al. (1995), Panorama des thérapies familiales, Seuil, Paris.

A.Ruffiot & al. (1990), La thérapie familiale psychanalytique, Dunod, Paris.


13 réponses à “L’approche systémique en thérapie familiale

  1. ROURE Pascale

    Je suis intéressée par tout ce qui concerne la systémie qui me paraît un concept intéressant que j’ai pu mettre en pratique, dans le cadre de mon travail d’éducatrice spécialisée, (AEMO judiciaire). Déjà formée deux ans au CECCOF (1° cycle), je cherche à reprendre des études dans ce domaine. un accident de moto m’a en effet immobilisée plus d’un an, et j’aimerais, dans la mesure du possible, poursuivre ma formation à la systémie.

  2. je suis etudiant en psychologie

  3. Bonjour,

    Etant psychologue et ouvert naturellement à la critique des théories sous-jacentes à la science psychologique, je me permets de commenter ce qui m’apparaît comme des ERREURS grossières dans ce qui est défini ci-dessus au sujet de la psychanalyse.

    1/ Le thérapeute qui pratique la psychanalyse est un « sujet supposé savoir » pour le patient et ne se positionne certainement pas comme un tout sachant disposé à exercer une emprise sur son patient.

    2/ Le comportement du patient n’est pas considéré comme involontaire, absurde et inutile. Il est appréhendé dans la logique du sujet de l’inconscient et fait l’objet d’une attention particulière du psychanalyste.

    Il serait intéressant que l’auteur de cet article décrive ses motivations à divulguer des mensonges au sujet d’une pensée (la psychanalyse) dont il ne connaît manifestement que les prémisses galvaudées.

    Il est certain que le système est en soi un ensemble de représentations maîtrisables dans son maniement et donc beaucoup plus rassurant que de faire référence à l’inconscient. La logique systémique a cette avantage de ne jamais pouvoir se contredire puisqu’elle nourrit elle-même son auto-renforcement.

    Cordialement
    Alexandre

  4. @Alexandre :
    Si vous aviez visité l’ensemble de ce site, vous vous seriez rendu compte qu’il se revendique de la psychanalyse. Toutefois nous exposons tout de même les autres conceptions théoriques concernant la psychologie ce qui n’est pas tout à fait la même chose que ce que vous semblez sous-entendre.
    Pour le reste, la position que vous défendez n’est pas celle de la psychanalyse dans son ensemble mais celle de la psychanalyse lacanienne (et du Lacan d’après 1960 pour être précis) ce qui n’est pas exactement la même chose.

    En ce qui concerne la question du « sujet supposé savoir ». N’oublions pas que si Lacan théorise cette notion c’est justement parce qu’elle ne va pas de soi. Dans les années cinquante, il rapprochait au contraire le discours du psychanalyste et le discours du maître, position dont il s’écartera par la suite. Or la systémie commence à théoriser ces notions au cours de l’immédiate après-guerre et ne saurait avoir connaissance des conceptions lacaniennes..
    Pour ce qui est de votre seconde remarque la référence a un comportement « absurde, involontaire et inutile » ne fait pas allusion à la psychanalyse, votre remarque est donc sans fondement.
    N’oublions pas, également, que la systémie en Europe, à travers l’école de Milan a été développée par des psychanalyste, ce qui me laisse songeur quant à l’ensemble de votre argumentaire. Il me semblerait plus judicieux,si je peux me permettre, de vous interroger sur une certaine tendance à la projection dans vos propos.
    Pour finir, il peut être à l’inverse intéressant de dresser un certain nombre de ponts entre la pensée lacanienne et la systémie. L’une comme l’autre ont insisté sur la place de l’enfant pour le parent (l’enfant dans le discours de la mère pour parler comme M.Mannoni) dans les thérapies avec des enfants.
    De nos jours de nombreuses réflexions – même chez certains lacaniens – tendent à rapprocher systémie et psychanalyse.

    Cordialement.

  5. Suite aux remarques d’Alexandre et de Vincent à propos de cet article, j’aimerai ajouter un petit commentaire:

    – Concernant le premier point (celui du thérapeute comme un sujet qui « sait »), la discussion est en effet compliquée et suscite des débats au sein de la psychanalyse elle-même. Certains peuvent concevoir le thérapeute comme celui qui détient la vérité même à propos de la personnalité profonde du patient, ou à l’opposé défendre que ce savoir se situe du côté du patient lui-même, l’analyste faisant alors fonction de « révélateur ». L’objet de cet article n’était pas d’engager la discussion sur ce point, mais uniquement de montrer comment la thérapie systémique – qui s’est développée en opposition à la psychanalyse dominante à l’époque – se positionne par rapport à cette question.
    – concernant la deuxième remarque, il s’agit d’exposer la façon dont la systémie conçoit la rationnalité des conduites humaines. Effectivement elle se démarque de la psychanalyse en rennonçant à la rationalité subjective (et donc aux déterminismes inconscients) pour expliquer le comportement humain; on pourrait même indiquer quelle rennonce d’une certaine façon à toute sorte de théorie de la rationalité de l’action humaine, ou plutôt qu’elle se réclame d’une rationalité systémique ou pragmatique, si je peux me permettere d’utiliser de tels néologismes.

    Ces points n’étaient peut-être pas clairs dans l’article original qui ne constitue qu’une présentation schématique des principes de la thérapie familiale systémique. J’éspère que ce commentaire supplémentaire aura permis de faire un peu de lumière sur ces points de discorde.

  6. Bonjour,
    Je trouve très intéressant votre article ainsi que les commentaires des lecteurs. Je suis moi-même psychologue et formée à la systémique et aux thérapies brèves (PNL, Hypnose Ericksonienne, Ecole de Palo Alto).
    Il me semble qu’au delà des querelles d’école (toujours passionnantes), la relation thérapeute – patient, système familial demeure primordiale.

    Si un de mes patients devaient me dire « à cause de vous rien ne s’améliore par contre grâce à la psychanalyse je suis certain d’aller mieux » je l’inviterai à aller vite consulter un psychanalyste sans pour autant remettre d’emblée en cause ma pratique. Évidemment si tous mes patients se retrouvaient au point de départ au bout de six mois, je me poserai des questions : quel intérêt pour un patient de faire des mois de thérapie onéreuse sans résultat!

    Par ailleurs, il n’est pas tout à fait exact que l’approche systémique ne fait pas référence à l’inconscient vu qu’elle est fondée en partie sur la pratique de Milton Erickson et que les métaphores, les recadrages, les suggestions et le langage utilisé s’adressent directement à l’inconscient du ou des patients

    Il est toujours intéressant de mettre en cause sa pratique et ses références théoriques afin de pouvoir évoluer de manière à venir en aide de la meilleure façon à nos patients. Car il me semble que c’est leur bien-être qui compte plutôt que notre théorie, ou pas?

  7. @Charlotte Nicod :
    « Car il me semble que c’est leur bien-être qui compte plutôt que notre théorie, ou pas? »
    Et oui, on a trop souvent tendance a oublier que la théorie devrait être au service de la thérapie et non l’inverse. Les bénéfices secondaires qui peuvent exister lorsqu’on se bat pour sa chapelle ont tendance à aveugler même les plus grands penseurs.
    Pour le reste j’ai vu sur votre site que vous pratiquez l’hypnose ericksonienne et la pnl. Si le coeur vous en dit, il serait très intéressant que vous nous en disiez un peu plus sur ces pratiques que pour ma part je connais mal..

  8. salut c’etait interessant l’article sur la systemie ça fait un petit rappel des notions de la systemie j’aimerai bien savoir comment faire un entretien de famille

  9. Bonjour,
    Quels sont les points de divergence et de convergence entre les approches psychanalytique et systémique ?? Merci et bonne soirée à tous

  10. EXCUSEZ MOI MONSIEUR alexandre, mais alors… si vous étiez un professionnel CONFIRME. C’est à dire une psychanalyse achevée, et d’autres diplomes pour complêter votre formation…
    Et bien vous n’opposeriez pas la systémie à la psychanalyse…
    Excusez moi si je rigole de votre intervention dogmatique, incomplète et outrée… Mais vous avez peut être encore des choses à prouver au niveau professionnel… cela expliquerait bcp de choses…

  11. @ Gabrielle. sans être professionnelle mais pour en avoir cotoyé plusieurs qui se réclament ( à tort ou à juste titre) des deux écoles…
    La psychanalyse mal incorporée, c’est le rattrapage après coup des dégats, mais ni dans l’action ni dans l’instant présent..
    Et la systémie c’est juste de la prévention avec une très forte compétence en communication des systèmes dans l’ici et maintenant.-familiaux s’entend…
    Bouder la systémie c’est juste un truc hyper hypocrite de thérapeutes à côté de la plaque (et pourquoi pas se réclamant virtuellement d’une pseudo psychanalyse)… pour trouver des nouveaux clients mais sans résoudre ni détrycpter les problèmes familiaux dans l’ici et maintenant….
    Bref, ils vous refilent la patate chaude en vous parlant de vos parents mais ils se mouillent pas pour vos propres enfants ^^

  12. Le top, c’est lorsque le Thérapeute maîtrise les 2 écoles.
    Les 2 écoles ne s’opposent pas. Elles sont parfaitement complémentaires.

    Un bon systémicien doit aussi avoir de bonnes bases en psychanalyse car il faut bien maitriser les phénomènes d’identification.

    Parfois, c’est inutile de se noyer dans l’analyse des mots, des détails et du pourquoi…

    La Systémie permet d’appréhender la complexité, de résoudre le phénomène de survictimisation,.. de contrer la manipulation, la communication pathogène dans n’importe quel système… et de faire, bien souvent, un formidable bond en avant.

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